Le kilomètre 105 de l’étape menant au sommet du Puy-Mary laissera de biens mauvais souvenirs au champion auvergnat victime d’une lourde chute et contraint de quitter le Tour de France au soir de cette 13èmeétape qui traversait ses routes d’entraînement. Très vite, Romain a compris que cette chute n’était pas comme les autres et que les conséquences seraient plus lourdes qu’à l’habitude. En accord avec sa direction sportive et le docteur Eric Bouvat, responsable médical de l’équipe AG2R La Mondiale, il a ainsi fait appel au docteur des « jaune et bleu », Mathieu Abbot, pour une prise en charge au CHU. Depuis, Romain Bardet suit le protocole « commotion cérébrale » mis en place par les médecins de l’ASM Clermont Auvergne au centre d’entrainement où il peut bénéficier d’équipements de très haut-niveau et d’un dispositif unique en France dans ce genre de pathologie. Romain Bardet raconte…

 

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Les chutes font partie de la vie des cyclistes, Romain Bardet comme tous les coureurs du peloton en est parfois victime. « La plupart du temps, nous glissons et ce ne sont que des contusions et des brulures » Là, à 60 km/h, le champion auvergnat a vu sa roue avant fauchée par un autre coureur avant de faire « un soleil, sans pouvoir anticiper ou (se) protéger avec les mains ». La tête a violemment frappé le bitume (son casque fut brisé sur le coup, il s’en rendra compte à l’arrivée au Puy Mary), l’onde de choc avait fait son œuvre. Entre courage et détermination, Romain s’accrochera pour finir l’étape avant de sentir « que quelque chose n’allait pas comme d’habitude » la ligne d’arrivée passée. Immédiatement, il est pris en charge par le médecin de l’équipe AG2R la Mondiale qui confirme l’état fébrile et ne quittera plus le coureur brivadois jusqu’au retour à Clermont. Le chemin est un « véritable calvaire » pour Romain « pris de nausées et d’un fort mal de tête » qui demandera à sa voiture de direction de s’arrêter à plusieurs reprises. Très vite, Vincent Lavenu, le directeur sportif, et le médecin de l’équipe décident, face à l’urgence de la situation, de prendre contact avec Mathieu Abbot, le médecin des « jaune et bleu », référant dans le traitement des commotions cérébrales des sportifs. « J’ai pris en charge Romain, dans notre service de Médecine du Sport et des Explorations Fonctionnelles du CHU, dès son retour à Clermont. Il était affecté cliniquement, ce qui nous a conduit à réaliser une imagerie médicale cérébrale en urgence. » A 21 heures, dans l’esprit de Romain « rien n’est encore définitif, rien n’est identifié. Il existe encore une possibilité de repartir le lendemain… » Dans celui de Mathieu, le diagnostic est posé : « Commotion cérébrale avérée », celui-ci met fin au Tour de France. « Mathieu et Eric Bouvat se sont d’abord réunis, puis ils m’ont expliqué la situation avec Vincent Lavenu », raconte le coureur. A partir de ce moment-là, et alors que l’équipe AG2R La Mondiale devait reprendre la route le lendemain, il a été décidé, d’un commun accord, que le staff médical de l’ASM, habitué à ce genre de pathologie, allait prendre la main sur la récupération du champion auvergnat. 

 

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Un protocole de prise en charge des sportifs unique en France 

 

« Je connais Romain depuis longtemps, j’ai l’occasion de le suivre dans son suivi longitudinal et parfois de l’accompagner sur quelques blessures, détaille le médecin clermontois. Nous avons également monté au CHU une structure unique en France qui prend en charge tous les sportifs de la région victimes de commotions cérébrales, des rugbymen, mais pas seulement. Nous avons aussi des cyclistes, des vététistes ou encore des cavaliers après de mauvaises chutes... Ils nous sont envoyés après leur passage aux Urgences. Notre protocole est issu de celui que nous avons développé à l’ASM pour les joueurs de Rugby. La prise en charge de Romain s’est ainsi faite naturellement et nous lui avons proposé de le suivre durant toute sa réhabilitation. » Le leader de l’AG2R confirme « Je suis vraiment reconnaissant vis-à-vis de l’ASM et chanceux que l’on me propose d’intégrer ce protocole. Avec cette prise en charge optimisée, je peux ainsi espérer gagner du temps sans faire la moindre concession vis-à-vis de ma santé. L’expertise du staff médical de l’ASM dans ce domaine est une référence, je leur fais entière confiance. » 

Si cette pathologie est encore peu connue dans de nombreux sports comme le cyclisme ou le football par exemple, elle est désormais très bien prise en charge dans le rugby, comme nous l’explique Mathieu. « Les protocoles sont désormais très bien encadrés, aussi bien au niveau de la prise en charge que du suivi. Romain a pu profiter de tout ce que nous mettons en place au niveau du club, excepté le dosage de la protéine S100 (qui est un marqueur développé par le club pour mesurer « l’état de récupération du cerveau » mais qui nécessite un dosage de référence). « Tout commence par du repos complet ; c’est la première chose à faire après une commotion. Nous recommandons également des apports nutritionnels en Omega 3 qui favorisent la récupération au niveau cérébral, la reprise de l’activité physique et cognitive ne débute que lorsque les symptômes ont totalement disparu. »

 

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Le « Speed court », un outil exceptionnel mêlant efforts physiques et cognitifs   

 

Romain Bardet a ainsi suivi le parcours des joueurs clermontois lorsqu’ils sont pris en charge par le staff médical après commotion. Rémi Gaulmin, le médecin du club avec Mathieu, a pris le relais pour remettre le cycliste sur pieds. « L’idée est de procéder par paliers en augmentant progressivement l’intensité cognitive ou physique tout en s’assurant que les symptômes ne réapparaissent pas. » Pour cela, l’ASM Clermont Auvergne dispose d’un outil révolutionnaire : le « Speed Court » (www.globalspeed-gmbh.de). Une aire de travail d’une trentaine de mètres carrés interactive sur laquelle sont positionnés, dans le gazon synthétique, de nombreux capteurs sur lesquels le sportif doit se diriger. Les ordres sont donnés grâce à un écran géant qui donne les consignes qui peuvent être simplement de géolocalisation mais aussi beaucoup plus complexes nécessitant du calcul, de la logique ou des deux… « C’est un outil de travail très utile dans le processus de récupération après commotion, mais aussi dans de nombreux autres protocoles de réhabilitation ou de développement. Nous l’avons depuis maintenant un an et sommes les seuls à l’utiliser avec le Bayern de Munich et le Real de Madrid », confirme Rémi Gaulmin. « Il a été montré que pour accélérer la récupération, il fallait franchir les paliers en s’approchant le plus possible de la zone de réactivation des symptômes. Cette machine permet à la fois de faire travailler l’intensité physique, puisque le but et d’aller le plus vite possible d’un point à l’autre, mais aussi de faire des efforts cognitifs pour résoudre les petits problèmes ou consignes qui nous aiguillent vers la position à atteindre. » Romain Bardet a ainsi passé les différents paliers que les médecins clermontois ont adapté à sa discipline sportive (notamment à travers la reprise progressive du home-trainer sur rouleaux) avant d’atteindre le Speed Court où il termine désormais sa récupération en courant sans hésitation d’un point à l’autre à mesure que l’écran géant crache les consignes. « Je profite pleinement de l’expertise de l’ASM dans ma convalescence. Ce n’est un secret pour personne, J’aime venir ici et je sais que je ne peux pas être mieux accompagné que je le suis actuellement. » La séance de Speed Court, à peine terminée, Loïc Suberbordes, le kiné de l’ASM, qui travaille régulièrement avec le champion auvergnat, propose une séance de « soulevé de terre », elle aussi comprise dans le protocole « commotion cérébrale ». « Dans cet exercice, nous cherchons à travers un effort plus intense à faire monter la pression intracrânienne, afin de voir si les symptômes reviennent pendant l’exercice ou à distance ».  Sans broncher, le leader de l’AG2R, arrache du sol du centre d’entraînement, les 60 puis 80 kg de fonte, signe d’une récupération « en bonne voie » selon le staff médical des « jaune et bleu ». De quoi redonner le sourire à Romain qui en compétiteur insatiable pense évidemment au retour à la compétition. « Le soir même de mon abandon, je regardais le calendrier pour essayer de me projeter sur la fin de saison et les courses encore possibles. En profitant de l’expertise de l’ASM, je sais que je vais optimiser les délais tout en respectant le principe de prudence après ce genre de pathologie. Je fais une totale confiance au club, tout en rendant compte à mon équipe de l’AG2R la Mondiale de l’évolution ma récupération. C’est, ici, que tous les feux doivent passer au vert et qu’ils me permettront de reprendre la compétition. » Quand ? La question est encore en suspend mais le champion se veut optimiste. « Je remercie l’ASM de m’accompagner comme ils le font. De mon côté, je me rattache à l’idée de pouvoir épingler un dossard avant la fin de la saison, même si les courses vont vite arriver d’ici à la fin du mois d’octobre. J’ai eu une coupure complète d’une quinzaine de jours et je vais avoir besoin de faire de gros efforts physiques, dès la reprise, pour retrouver le rythme et les sensations. Je m’accroche à cet espoir… » L’ASM Clermont Auvergne aura fait tout ce qu’elle pouvait pour aider le champion auvergnat à l’entretenir.  

 

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