Dans cette deuxième partie, le centre des « jaune et bleu » revient sur les changements qui lui permettent d’être, 11 ans après ses débuts sous le maillot clermontois, toujours plus performant, mais aussi sur sa relation avec l’équipe de France ou le choix qu’il a fait en décidant, dans un rugby où les joueurs sont de plus en plus mobiles, de n’être celui que d’un seul club. Deuxième partie …  

Devenir un bon joueur de rugby est une opportunité donnée à de nombreux jeunes talents du Top 14. Mais la performance est parfois éphémère et pour passer au stade de « grand joueur », il faut parvenir à installer de la régularité. Pour construire cette constance : deux piliers sont nécessaires, le travail et l’exigence. « Il faut constamment se remettre en questions, ne jamais se reposer sur ses acquis et se convaincre que le jour où tu n’as plus envie d’avancer tu es fini. J’en suis devenu insupportable vis-à-vis de moi-même. » Le changement, Wesley le ressent surtout en fin de rencontre. « Avant, comme je le disais plus tôt, je ne me posais aucune question durant la rencontre, tout était plus ou moins gérer « à l’instinct ». Désormais, avec les situations que j’ai pu vivre et l’expérience emmagasinée, je suis dans la constante recherche d’information sur les positionnements, les défenses, les attitudes, la stratégie, les choix à faire… ». L’évolution est aussi la conséquence du départ de Brock James. L’ouvreur australien prenait « tout en charge » ce qui a grandement facilité le début de carrière de Wesley qui se complaisait dans ce confort apporté par Brock. Son implication croissante et le départ de l’ouvreur australien ont libéré des espaces dans l’animation stratégique auvergnate. Wesley s’y est engouffré.

« L’équipe de France n’appartient à personne, elle se mérite »

Le changement vient parfois à le surprendre lui-même. Lui qui voyait, à ses débuts, le rugby comme « un match de ping-pong où chaque coup cherchait à être gagnant », se régale, aujourd’hui, à le comparer « à une partie d’échec où il faut parfois savoir avancer patiemment ses pions pour porter le coup décisif… » Tout est désormais réfléchi, rien n’est laissé au hasard dans son jeu. Garder un coup d’avance, telle est sa manière d’anticiper, de garder le contrôle et cela même si la méthode peut parfois bousculer les codes comme ce fut le cas lors de l’annonce de sa retraite internationale. « Pour plein de raisons, je sais que cette période post Coupe-Du Monde est le bon moment pour prendre du recul au niveau international. Comme Jubon (Julien Bonnaire), l’avait fait avant moi, j’ai trouvé plus honnête de le dire. » Choisir sa fin plutôt que la subir n’est pas donné à tout le monde, et expose forcément à la critique, Wesley n’y a pas échappé. « Que je fasse la Coupe du Monde ou pas j’arrêterais. Peut-être que c’était maladroit de le dire que le timing n’était pas bon… J’ai entendu dire que cela pouvait être stratégique … Non mais qui pourrait faire ça ? C’est simplement de l’honnêteté vis-à-vis de moi-même, de ma famille, de la génération qui arrive. La Coupe du Monde marque la fin d’un cycle et le début d’un autre… Mon but est de tout faire pour me donner la chance de vivre une dernière aventure humaine et sportive exceptionnelle car pour un rugbyman, la Coupe du Monde est ce qu’il y a de plus beau et dont tu peux être le plus fier. L’équipe de France n’appartient à personne, elle se mérite, c’est exactement pour cela qu’après toutes les galères que j’ai vécues, ma joie de la retrouver était immense et ma motivation pour terminer de la plus belle des manières l’est tout autant. »

La motivation, parlons-en, elle sera au cœur des Phases Finales qui arrivent et là aussi Wesley a appris à mieux la maîtriser. « Personne n’est capable de vivre tous les matches du Top 14 avec la même intensité et la même détermination. Même si physiquement, cela peut être réalisable, mentalement c’est une utopie ! » C’est pour cela que les effectifs doivent être manager avec des doigts de fée, en ciblant les moments, les confrontations et en effectuant les rotations nécessaires à la recharge aussi bien physique que mentale afin de conserver les objectifs sans arriver « cramer » à l’heure de vérité. Reste ensuite à activer, individuellement, les bons leviers pour sublimer le collectif. « Les phases finales sont le grand moment de l’année, celui qu’il ne faut pas rater. » Wesley est bien placé pour le savoir reconnaissant même être passé « à côté plusieurs fois ». En coupe d’Europe, face au Leinster, il y a de nombreuses années, mais aussi à ses débuts contre Toulouse… « Je me souviens m’être dit : On est en demi-finale, c’est déjà super bien ! Sauf qu’à partir du moment où tu penses cela, ton corps ne suis plus et n’est plus capable de se dépasser…et tu peux mettre tout le monde dans la merde. » Avec l’expérience, il anticipe plus, appréhende mieux et traque ceux qui pourrait se contenter de ce qu’ils ont. « C’est difficile de capter cela, je suis certain qu’aucun ancien n’avait, à l’époque, saisit que je pouvais me contenter d’une défaite honorable en demi-finale. Aujourd’hui, personne ne doit être très content d’avoir gagné le Challenge, nous n’avons pas le droit de nous contenter de cela. Nous devons tous viser quelque chose de grand… » Si l’habitude ou la découverte peuvent éventuellement atténuer l’appétit, Wesley ne s’appuie que sur l’expérience qui, au contraire, est une source pour l’entretenir et le décupler.

Pas du genre à s’endormir sur ses habitudes, Wesley a choisi de n’être le joueur que d’un seul club pour d’autres raisons. « Je sais ce que ma carrière doit au club. Comme je l’ai dit auparavant, beaucoup d’autres équipes auraient jeté l’éponge et auraient mis fin à la mienne avant que celle-ci débute. »  Même s’il a suscité de nombreux intérêts, Wesley a rapidement écarté tous les prétendants pour ne garder qu’une « short-list » de deux clubs : Clermont et Montpellier. « Montpellier pour Vern car je n’oublie jamais ceux qui m’ont lancé (c’est aussi vrai pour Philippe Saint-André qui fut le sélectionneur l’ayant appelé pour la première fois) et Clermont. Un temps je me suis dit que l’histoire aurait pu être belle en la débutant avec Vern et en la finissant avec lui… la discussion portait sur la durée du contrat. Le matin où Franck m’a dit ok pour les 4 ans de plus, je n’ai pas hésité une seconde et j’ai accepté dans la foulée. C’est le premier choix que je ne fais pas seul. Ma famille a compté dans celui-ci, ils sont tous Auvergnats, nous avons eu de nombreuses discussions, mais, au final, la décision a été simple au contraire du moment où j’ai dû annoncer mon choix à Vern. Si je dois avoir un regret plus tard, ce sera de n’avoir pas vécu autre chose, en attendant je préfère me dire que c’est une fierté en donnant tout ce que je peux pour rendre la confiance que le club m’accorde depuis plus de 10 ans lorsque j’entre sur la pelouse avec le maillot de l’ASM. »