Sebastien Simon, le récent vainqueur de la Solitaire du Figaro, a suivi durant quelques jours la vie de groupe des « jaune et bleu ». A 28 ans, le skipper originaire des Sables-d’Olonne prendra en 2020 le départ du Vendée Globe à la barre d’un monocoque neuf aux couleurs de notre partenaire commun « Paprec ». Installé à Concarneau, ce grand espoir de la course au large, a profité de l’occasion pour un échange aussi dépaysant qu’enrichissant entre sportifs de très haut-niveau. Entretien…

Sébastien, qu’est-ce que ces quelques jours passés au contact des joueurs peuvent t’apporter ?
Je vois surtout cela comme une belle opportunité et un partage d’expériences avec un milieu que je ne connais pas beaucoup et que j’ai plus l’habitude de regarder à la TV. J’ai été surpris du gabarit des personnages (rires) mais aussi de la rigueur présente lors des entraînements. La communication qu’il peut y avoir tout au long de la journée est, aussi, assez surprenante. Je suis en tout cas très heureux d’avoir eu la chance de les suivre durant quelques jours.

Les milieux de la Voile et du Rugby semblent assez éloignés, où as-tu trouvé des points d’intérêts pour ta pratique très spécifique ?
Leur préparation semble irréprochable et c’est toujours très intéressant de voir comment on peut amener des sportifs à un niveau de performance recherché, quels chemins sont empruntés. Il y a aussi de grandes valeurs communes comme l’engagement, la détermination, la motivation. Le Rugby est un sport collectif, les joueurs parlent beaucoup de cette notion-là et même si je suis seul à naviguer sur le bateau, il y a autour de moi une belle équipe pour construire le bateau, le faire fonctionner et l’amener, lui aussi, vers son meilleur niveau de performance afin d’avoir des chances d’être sur la plus haute marche du podium. La voile est un travail d’équipe qui permet de naviguer en solitaire.

Au contact des joueurs, on se rend, également, compte de l’importance de la précision. J’imagine que c’est également une notion commune avec la course au large…
Exactement, tout au long des entrainements, on peut voir qu’ils révisent des gammes, une routine, nous faisons la même chose lorsque nous faisons nos manœuvres où chaque mouvement doit être précis et dans le bon timing. La difficulté du Rugby est qu’ils doivent interagir à plusieurs alors que je n’ai pas tous ces problèmes de coordination, je suis seul à bord.

Justement, tu parles de solitude. C’est une notion bien éloignée des sports collectifs, peut-elle être pesante ?
Bien sûr, c’est d’ailleurs notre principal ennemi. Dans le monde de la course au large nous sommes amenés à rester plusieurs mois seul en mer en étant très fatigué. Dans ce contexte, toutes les émotions sont décuplées dans le bon comme dans le mauvais sens. C’est assez indescriptible, nous pouvons passer de l’euphorie à la déprime et nous devons être préparés à apprivoiser, seul, ces sentiments-là.

Les sports collectifs, le Rugby, en particulier, utilisent désormais la préparation mentale. Est-ce que cela fait également partie de votre préparation ?
Oui, cela existe et c’est important car il faut d’abord être prêt psychologiquement avant d’aller affronter de grandes courses et se donner les moyens de les remporter. Nous pouvons rencontrer quelques situations de blocage et nous n’hésitons pas à nous faire aider. Aujourd’hui, c’est mon directeur sportif, Vincent Riou (NDLR : vainqueur du Vendée Globe en 2004 et de la Transat Jacques Vabre en 2013 et 2015) qui joue ce rôle.

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Sur un point de vue physique, j’imagine que les objectifs sont très éloignés de ceux des Rugbymen…
Ils sont éloignés, bien sûr, mais très spécifiques de notre pratique. Nous avons la chance de pouvoir bénéficier des infrastructures de la ville de Fouesnant qui sont proches de nos locaux. Nous travaillons plus sur du Cross Training et du foncier. Evidemment beaucoup moins de musculation que les joueurs de l’ASM qui ont des infrastructures merveilleuses, nous sommes beaucoup plus préoccupés par le gainage car nous pouvons avoir des problèmes de dos en raison de la position assise ou le fait de soulever des poids dans des environnements qui peuvent être instables. Aucun marin n’a le gabarit des joueurs, nous privilégions l’agilité à la puissance.

Quel est ton principal objectif dans les mois et années à venir ?
Le Vendée Globe ! Le bateau est en cours de construction. C’est une merveilleuse opportunité car à mon âge (NDLR 28 ans) avoir un bateau neuf et un tel projet sportif ce n’est pas donné à tout le monde. J’ai bien conscience de la chance que j’ai et l’ambition de faire au mieux dans cette préparation qui va durer deux ans pour me présenter avec l’ambition de prétendre à la victoire dans cette course mythique. Je suis persuadé qu’il faut une part d’insouciance et de fraîcheur pour réussir cette course qui demande beaucoup de sacrifices et se prépare durant 4 ans. Dans l’histoire de cette course, les vainqueurs sont rarement des marins qui reviennent après plusieurs éditions. Je serai l’un des plus jeunes concurrents, le plus jeune avec un bateau neuf et je compte bien mettre à profit les mois de préparation pour être performant au départ des Sables.

L’origine de cet échange vient de notre partenaire commun le groupe Paprec dont l’engagement suit ses deux aventures humaines que sont le Rugby et la course au large…
Oui, le groupe Paprec est passionné de voile à travers ses dirigeants Jean-Luc et Sébastien Petithugenin. Ils ont déjà 4 « Vendée Globe » à leur actif avec Jean-Pierre Dick et ont décidé de miser sur moi lors de la prochaine édition, j’en suis très flatté. J’entretiens des relations très fortes notamment avec Sébastien qui a fait, avec moi, la solitaire du Figaro cette année en réalisant un très beau résultat dans la catégorie amateur validant son formidable défi personnel. Je crois que dans le sport, ce sont avant tout des aventures humaines avant d’être réellement du business, dans la voile comme dans le rugby, je crois que nous avons de quoi faire. J’étais vraiment agréablement surpris de la proposition du groupe Paprec de venir ici à Clermont, goûter à un autre environnement, découvrir les exigences d’un autre sport et de nouvelles personnes. Les échanges sont toujours très enrichissants et très franchement Clermont est très loin de mon milieu habituel : la mer n’est pas juste à côté (rires), je ne serais probablement pas venu ici instinctivement, mais ces quelques jours ont été d’une richesse folle sur le plan relationnel, je suis ravi.

Crédit photo : © Martin Viezzer