Quelques banderoles placées stratégiquement par la municipalité sur les ronds-points de la ville témoignent encore de l’exploit réalisé en juin dernier par les Filles : « Romagnat Capitale du Rugby Féminin ». Depuis les présentations du bouclier se sont enchainés, l’été a été festif et agité, mais c’est toujours sous l’éclairage timide du stade du Michel-Brun et dans le vestiaire sommaire qui jouxte la pelouse que les 60 filles de l’effectif senior de l’ASM Romagnat se préparent à retrouver la compétition auréolées d’un titre qu’elles auront à cœur de défendre.

Le titre ne semble pas avoir changé quoi que ce soit à l’état d’esprit familial qui anime les filles de l’ASM Romagnat. Il est 18h mercredi pendant que les jeunes du club terminent leur entraînement, les filles du groupe de Fabrice Ribeyrolles arrivent au compte-gouttes en sortant du boulot ou de la Fac, un grand sourire aux lèvres. Un « check » avec leur coach, une blague échangée entre copines et c’est direction la pelouse du terrain d’honneur pour commencer les routines individuelles avant que la séance collective ne débute aux alentours de 19 heures. Les dernières arrivent en courant tout juste sorties du boulot pendant que Fabrice et Vincent Fargeas sont déjà sur la pelouse entourés du groupe et surveillés par une poignée de moutons qui participent à l’entretien eco-responsable du complexe donnant des airs néo-zélandais au terrain de Rugby. Le titre n’a rien apporté de superflux, la simplicité et la convivialité restent les deux valeurs fédératrices de ce groupe pourtant soumis à une soudaine médiatisation. « Il faut maintenant repartir à zéro », insiste le coach, « l’intersaison a été très courte. Entre la méforme et les blessures qui se sont multipliées, c’est plus compliqué que prévu, constate-t-il. « Il va falloir être capables de basculer vite, mais je suis optimiste, les Filles sont déterminées à retourner sur le terrain et à vendre chèrement leur peau. »

« Être à la hauteur de ce que les gens que nous avons séduits attendent de nous. »

Avec le bouclier qui trône désormais au siège du club, l’étiquette de « Championnes » est logiquement venue se coller au dos des Filles de l’ASM Romagnat qui devront en assumer le poids tout au long de la saison. « Nous allons être attendues partout, confirme Fabrice. L’an dernier nous étions le chasseur, désormais nous sommes la proie.» Une métaphore dont le coach s’est servie l’an dernier et qu’il devra désormais retourner pour activer d’autres leviers. « La fin de saison et le titre ont généré beaucoup d’enthousiasme, beaucoup d’entrain. Il nous arrive désormais parfois d’être arrêtés dans la rue par des gens qui sont devenus des supporters. Nous nous devons d’être à la hauteur de ce que les gens que nous avons séduits attendent de nous. » Une responsabilité nouvelle et un rôle de porte-drapeau du sport féminin que le groupe accepte volontiers. « Les filles ont fait découvrir aux gens ce sport féminin et les valeurs chères de notre sport : la simplicité, le travail, le don de soi, la solidarité et la convivialité » Tout cela réunit autour d’une passion et rien d’autre car le titre n’a pas transformé ce groupe de filles, toujours aussi disponibles, généreuses et prêtes à faire les sacrifices nécessaires pour se donner les moyen d’évoluer au plus haut niveau.

 

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Et de haut niveau, il sera bien question puisque les objectifs partagés par la présidente Marie Magignot, son coach et ses Filles se veulent ambitieux « Notre objectif est de se qualifier pour les demi-finales afin de se donner la chance d’être à deux matches du titre. » Et si l’on se demandait si le titre n’était pas arrivé un peu tôt comme le disait, lui-même, Fabrice au printemps dernier, personne ne doute de l’envie d’y gouter à nouveau. « On a vécu à fond ces premiers émotions, nous savons que la suite ne sera pas la même. Les expériences seront forcément différentes mais elles seront belles. Nous sommes toujours dans un objectif de construction, notre marge de progression est encore importante, nous avons des joueuses qui montent, des arrivées, notre rugby peut progresser aussi bien offensivement que défensivement. Si nous parvenons à tenir nos objectifs de progression en conservant l’état d’esprit du groupe, nous ne serons pas loin du dernier carré… » Avant cela, c’est dimanche sur la pelouse de Bobigny à 15 heures que les filles étrenneront leur titre et la pression qui va avec. Une pression qui n’était pas encore bien visible, mercredi soir, lorsqu’une violente averse de pluie clôturait l’entraînement et que les filles regagnaient leurs voitures sans se presser ni sans râler lâchant dans un dernier sourire « mouillée pour mouillée ! » Ce détachement, cette simplicité et la convivialité qui nourrissent le groupe seront des armes redoutables pour conserver avec férocité un bouclier qu’elles ont gagné et qu’elles défendront avec un cœur que l’on devine énorme.

 

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