Le coup de sifflet final a été vécu comme une véritable délivrance pour Fabrice Ribeyrolles qui était, selon ses propres termes, « intenable » lors d’une fin de match durant laquelle il est passé par toutes les émotions. Heureux pour « ses » filles bien avant de réaliser qu’il avait porté ce groupe de la deuxième division au sommet du rugby français, il revient sur cette finale d’où il est passé de « l’enfer » au « paradis » en 80 minutes.

 

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Hors contexte la scène de duettistes entre la 4ème arbitre et le coach des Filles de l’ASM Romagnat valait à elle seule le voyage à Blagnac. « Intenable » Fabrice joua au chat et à la souris avec l’officielle qui eut toutes les peines du monde à contenir l’enthousiasme débordant du coach auvergnat complètement happé par cette fin de match à suspense. Sur le terrain les Romagnatoises repoussaient un à un les assauts de leurs homologues de Blagnac sans trembler ni céder le moindre centimètre de terrain au prix d’une générosité et d’un engagement frisant l’entendable. « Je suis rentré sur le terrain comme un fou, 30 secondes avant la fin, croyant avoir vu un en-avant de Blagnac », rigole Fabrice. Maintenu par l‘arbitre assistante encore quelques instants, le palpitant à 200, il dut attendre un dernier ballon tombé pour exulter et partager avec elles ce moment unique. « J’avais tellement envie qu’elles soient récompensées pour leur travail, leur courage… Je sais d’où nous venons et la valeur de ce titre. Il est peut-être prématuré mais quand l’occasion se présente, il faut savoir la saisir : c’est ce qu’elles ont fait. »  80 minutes plus tôt, un terrible orage accueillait les Auvergnates au moment de sortir s’échauffer. Des trombes d’eau tombaient sur la pelouse de Blagnac et pendant que chacun pensait à se cacher, Fabrice saisit l’opportunité pour booster une dernière fois son groupe. « J’avais dit toute la semaine aux filles que nous allions en enfer, que nous allions prendre la foudre du public, de nos adversaires sur l’entame de match et qu’il faudrait tenir. »Le ciel noir de la banlieue toulousaine a finalement rendu service aux Romagnatoises et à leur coach. « En plein déluge, je les ai réunies et je leur ai dit : vous avez vu l’enfer, je vous l’avais prédit : c’est comme ça ! » Et même si les conditions de jeu ont largement été détériorées par ces précipitations hors normes que la pelouse eut bien du mal à absorber, faisant regretter à Fabrice Ribeyrolles la qualité de la première période, elles eurent le mérite d’exhorter les qualités premières de son groupe : la solidarité, le courage et l’abnégation. « Nous avions envie de mettre en avant les valeurs du Rugby féminin, de donner envie aux gens de venir nous voir plus souvent, que de nouveaux partenaires nous rejoignent. Le rugby féminin est en train d’exploser, il faut que tout le monde soit partant dans cette aventure. Nous sommes très fiers d’entendre les retours des gens qui le découvrent et se régalent à voir ces filles se battre et défendre de belles valeurs. » Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elles l’ont fait avec un cœur énorme, respectant à la lettre les consignes de leur coach : refusant, dans un premier temps, de céder aux locales l’avantage du tableau d’affichage, poursuivant en allant inscrire un essai avant de dresser un rideau « jaune » aussi solidaire qu’infranchissable. 

 

« Franchement, j’ai du mal à réaliser, nous avons réalisé quelque chose de fabuleux ! »

 

Le scénario, Fabrice l’avait écrit et imaginé avec son staff … de là à le réaliser, c’est une autre affaire. « J’ai du mal à croire que nous avons décroché ce bouclier, que nous sommes la meilleure équipe féminine de France : c’est un truc fabuleux ! » « Je ne pensais pas que cela puisse arriver si tôt. C’est génial, j’ai tellement de respect vis-à-vis de mes joueuses, ce qu’elles ont fait depuis des années et ce qu’elles ont accompli cette saison, je ne peux être qu’admiratif ». La voix s’éraille au moment de rentrer dans le détail de son management, de la manière dont il attise et drive la passion comme seul moteur de ce groupe de filles qui en ont fait leur « mentor ». « J’ai gueulé, je leur ai tiré les oreilles, mis des coups de pied aux fesses depuis des années mais il n’y a pas d’autres mots que l’Amour. Avant le match, dans le vestiaire, je ne leur ai parlé que des valeurs qui ont construit ce que nous vivons : la complicité, l’affection, l’amour, le respect et la solidarité que nous partageons… Avec cela et sans parler de Rugby nous parvenons à ramener le bouclier. Ces valeurs, ces choses simples, c’est ce que j’aime et qui définit ce groupe extraordinaire ». 

 

Après avoir décroché 3 titres avec les Espoirs de l’ASM, remporté la finale d’accession ramenant la Rochelle en Top 14, et inauguré son arrivée dans le rugby féminin par un titre de deuxième division avec les « bâtisseuses » de ce groupe des filles de Romagnat, Fabrice Ribeyrolles accroche un nouveau succès à son remarquable palmarès. Il peut savourer et partager une semaine qui s’annonce animée. « Je ne sais pas trop comment nous allons passer cette semaine, elles débordent d’enthousiasme dans la vie de tous les jours, alors là… elles sont vraiment capables de faire des trucs de fou ! » rigole-t-il. « La veille de la finale, je leur ai dit que si nous étions capables de le faire, nous serions toutes et tous unis et marqués à vie par cette aventure ». Entre les conditions terribles qui ont créé le décor de cette finale et le dénouement, c’est une certitude : elles le seront tout comme Fabrice… « J’en ai vécu des titres, mais celui-ci a un gout particulier car il s’est construit sur plusieurs années et quand tu es coach c’est une fierté terrible ! »  Le dernier est toujours le plus beau… en attendant le prochain ! 

 

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