Fabrice Ribeyrolles, l’ancien centre des « jaune et bleu » qui compte près de 200 matches sous le maillot auvergnat est un bâtisseur. Après avoir permis de conquérir 3 titres de champions de France Espoirs avec l’ASM, puis de ramener la Rochelle dans l’Elite, c’est dans son club de cœur qu’il est revenu prendre en mains la destinée du rugby féminin. Champion de France deuxième division, lors de sa première saison, il a réussi à faire grandir et développer son groupe qui vient de faire tomber les triples championnes de France en titre et affrontera Blagnac, dimanche prochain en finale (17h30 en direct sur Eurosport et France 4). Entretien

 

 

Fabrice, tu es arrivé au club en 2015, les filles étaient alors en deuxième division. 5 ans plus tard, elles disputent la finale du championnat de France Elite 1, quel beau chemin parcouru…

C’est une belle fierté d’avoir construit et emmené ce groupe lors de ces 5 dernières années. Avec les dirigeants, nous avons su bâtir ce projet et structurer le club pour améliorer les conditions d’accueil des filles, les méthodes de travail ou les infrastructures. Sportivement, mes différents collègues Eric Faidit, Martin Scelzo et maintenant depuis 3 ans avec Vincent Fargeas nous avons créé ce groupe pour aller disputer le plus haut niveau de notre championnat. Une de mes grandes fiertés est d’avoir encore dans ce groupe 8 filles qui ont remporté le titre de championnes de France en 2016 et qui seront encore là dimanche. Je suis heureux de les avoir accompagnées, de les avoir fait grandir et d’avoir construit autour d’elles un groupe capable de disputer le titre. Nous avons su recruter, ici, et aussi découvert, des filles de différents horizons qui s’épanouissent, à Clermont, et forment l’état d’esprit remarquable qui anime et porte le club. 

 

Mesures-tu le travail accompli ou ta semaine est-elle entièrement consacrée à la finale de dimanche ?
Quand je me suis posé dans le bus samedi après la finale, je me suis dit les yeux écarquillés : « On a battu Montpellier ! » Nous nous étions déplacés là-bas, il y a 4 ou 5 ans, et nous avions pris 70 points ! Forcément, je me suis projeté sur le chemin parcouru mais très vite cela m’est sorti de la tête pour penser seulement à cette finale face à Blagnac. 

 

D’autant plus que vous battez Montpellier avec beaucoup de jeu, de belles valeurs, de la solidarité du combat…

Oui, il y a quand même des petites erreurs dans notre manière de tenir le ballon, mais nous avons été capables de produire des séquences de jeu qui les ont mises en difficultés, nous avons scoré sur des actions construites ou des ballons portés bien réalisés. Défensivement, les filles ont été généreuses comme elles le sont au quotidien, plein de courage et d’abnégation pendant 87 minutes (NDLR 7 minutes d’arrêt de jeu). Nous avons vu les filles faire les efforts qu’il fallait pour remporter ce genre de matchs. Nous savions que l’équipe qui aurait le plus envie et serait la plus déterminée avait déjà fait un grand pas vers la finale… elles l’ont démontré face à Montpellier. En phases finales, on sait que ce n’est plus forcément le rugby qui fait la différence mais l’état d’esprit que tu es capable d’afficher et de tenir durant tout le match. Les filles ont été solidaires, déterminés notamment dans ces 7 minutes d’arrêt de jeu où nous subissons les assauts héraultais en permanence, en faisant front, en récupérant des ballons… A un moment nous étions à 13 (avec deux filles blessées) à 5 mètres de notre ligne mais elles ont tenu ! La victoire n’est que plus belle quand tu as résisté, tout donné, comme elles l’ont fait samedi dernier, en tenant le résultat face à ce qui se fait de mieux depuis 15 ans. 

 

« Ce serait du 50/50 sur terrain neutre, ce sera du 51/49 sur la pelouse de Blagnac. Toutes les filles ont désormais conscience qu’il n’est plus question de lâcher quoi que ce soit, personne n’a le droit de perdre et de se contenter d’être en finale. » 

 

Justement, vous venez de sortir les triples tenantes du titre, qui n’avaient perdu qu’une rencontre lors des 50 derniers matchs, tout semble désormais ouvert pour cette finale…

Oui, même si nous allons jouer Blagnac à Blagnac ce qui est tout de même un sacré handicap quand on joue un match comme celui-là. Intégrer le dernier carré était déjà notre objectif de début de saison, maintenant tout est possible et on va faire tout ce que nous pouvons pour bousculer encore un peu la hiérarchie. Ce serait du 50/50 sur terrain neutre, ce sera du 51/49 sur la pelouse de Blagnac. Toutes les filles ont désormais conscience qu’il n’est plus question de lâcher quoi que ce soit, personne n’a le droit de perdre et de se contenter d’être en finale. 

 

Existe-t-il le risque de croire que l’exploit est déjà réalisé en ayant battu les Montpelliéraines grandissimes favorites ? 

Non, Vincent et moi faisons en sorte que le message soit clair. Une finale est un match particulier.  Avec mon expérience, je sais combien il peut y avoir de la tristesse et des regrets après une finale perdue pour l’avoir jouée avant, elles l’ont bien compris et nous allons tout faire pour ne pas tomber là-dedans. Nous avons basculé, désormais il n’y a plus que Blagnac.

 

Une équipe de Blagnac qui possède un gros pack, une conquête qui a fait beaucoup de mal aux Toulousaines… comment décrirais-tu cette formation ?

C’est surtout une équipe qui nous ressemble et s’est beaucoup construite autour de la formation. Les Haut-Garonnaises sont vraiment tournées sur le jeu offensif. Elles sont, c’est vrai, très solides devant avec une conquête très en place mais elles n’hésitent pas à écarter les ballons et mettre du rythme avec une « 10 » excellente au niveau de l’animation. C’est une équipe complète qui, je le répète, nous ressemble et c’est probablement une bouffée d’oxygène pour ce championnat d’avoir deux nouvelles équipes en finale (NDLR : occupées ces dernières années par Montpellier et Toulouse). 

 

« Depuis 6 ans que je suis à leur contact, je les vois travailler dur, souffrir physiquement, mentalement mais jamais rien lâcher en affichant une solidarité, une combativité et un sens du sacrifice de tous les instants. »

 

Les filles de Blagnac sortent effectivement de 5 échecs consécutifs en demi-finales pour atteindre enfin cette finale, elles auront également l’envie de soulever ce bouclier…

Évidemment, mais elles auront aussi la pression. Jouer une finale à domicile : on n’a pas le droit à l’erreur ! Nous allons jouer cette finale à l’extérieur, toute la pression sera sur les épaules des filles de Blagnac. Nous, nous n’aurons que l’envie et notre détermination.

 

Les Pros ont perdu en quart de finale, les Espoirs en demi-finale, tous les projecteurs du rugby auvergnat sont désormais orientés sur les filles de l’ASM Romagnat. C’est une formidable exposition pour le rugby féminin et le travail qui est fait au club…

C’est un plaisir de mettre en avant le travail que nous faisons. Cela fait des années que je me bats pour faire connaitre le Rugby Féminin, notre championnat et notre club. A chaque fois que de nouveaux supporters viennent nous voir, ils sont impressionnés par le jeu que nous sommes capables de produire, les impacts ou l’engagement des filles. C’est l’occasion de mettre en avant le travail de ces filles qui font d’énormes sacrifices : 7 entraînements par semaine pour le plaisir, par passion car ce n’est pas un métier pour elles. Si nous pouvons faire un grand match de rugby car Blagnac est aussi dans cette dimension de rugby de mouvement, cela sera une formidable exposition pour le Rugby Féminin qui ne fait que progresser depuis des années. Cela peut aussi être l’occasion d’attirer de nouveaux partenaires et de continuer à se structurer en donnant aussi envie à de futurs supporters de nous suivre encore plus nombreux la saison prochaine. 

 

La finale sera diffusée à la fois sur Eurosport et France 4, dimanche à une heure de grande écoute (17h30), qu’est-ce que tu aurais envie de dire aux supporters auvergnats qui seront derrière leur écran ? 

Encourager nous, venez avec nous (des bus de supporters sont organisés au départ de Romagnat) car nous allons tout de même en territoire ennemi et nous risquons de nous retrouver un peu seuls, peut être en enfer pendant un moment ! (rires). Les filles ont besoin de vos encouragements et de cette reconnaissance aussi. Elles ont envie de partager cette finale avec tous ceux qui voudront bien nous apporter leur soutien. J’ai des filles extraordinaires, l’ambiance est géniale. Je voudrais sincèrement que les gens ressentent tout cela. Les Filles parlent simplement de leur sport, de leur passion, de leur double et parfois triple projet. J’aimerais que les gens qui vont découvrir le rugby féminin deviennent de nouveaux supporters pour notre club et pour nos filles qui le méritent amplement. Depuis 6 ans que je suis à leur contact, je les vois travailler dur, souffrir physiquement, mentalement mais jamais rien lâcher en affichant une solidarité, une combativité et un sens du sacrifice de tous les instants. Ce sont les valeurs de notre sport : pas simplement le rugby masculin, pas le rugby féminin : le Rugby et elles les incarnent parfaitement. C’est vraiment une énorme fierté d’accompagner ces filles-là ! 

 

Les vielles idées reçues continuent de mettre en opposition le rugby féminin et le rugby masculin, on se rend compte dans ton discours que l’on parle bien de la même chose…

A la différence que d’un côté c’est un métier de l’autre c’est une passion. Je ne dis pas que les pros ne sont pas passionnés, mais il y a parfois des choses ou des évènements qui diluent la passion. Dans le rugby féminin : il n’y a que cela. Elles doivent faire des sacrifices en permanence pour exister.  Sur cette fin de saison, l’occasion est magnifique pour montrer de quoi elles sont capables, de prouver qu’elles peuvent attirer de nouveaux supporters auvergnats passionnés et connaisseurs de Rugby. Elles ont l’occasion de prendre la parole et de dire « venez voir notre jeu, venez voir comment nous nous entrainons dur et quel rugby attractif nous sommes capable de produire. »

 

Crédit photo : Vincent Roche / https://www.vro-photographie.com

 

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