Avec 26 matches disputés cette saison (sur 28 possibles) et plus de 1800 minutes de jeu, le troisième ligne centre des « jaune et bleu » est le joueur le plus utilisé de l’effectif clermontois. Il est aussi probablement le joueur le plus régulier de ces 5 dernières années, un modèle de constance et de performance pour ce régulateur au profil technique et dynamique aussi dur à l’impact que fluide dans le jeu de mouvement. Arrivé des Counties Manukau pour quelques mois seulement, Fritz s’est installé en Auvergne et au centre de la troisième ligne où il est indéboulonnable depuis maintenant 8 saisons. 

 

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Juste avant son dernier match avec les Counties Manukau, le club traditionnel des joueurs maoris et polynésiens où il évoluait dans la banlieue d’Auckland, Fritz Lee a reçu de Mike Delany (coéquipier durant quelques saisons sous les couleurs des Chiefs et ouvreur de Clermont entre 2013 et 2015) un message qui a probablement changé sa carrière. « Notre troisième ligne centre vient de se blesser, si ça t’intéresse contacte moi ». Fritz ne savait pas vraiment où jouait son ancien coéquipier parti en Europe quelques années plus tôt ni de quoi il s’agissait mais après son match il décida tout de même d’y donner suite. Le « troisième ligne centre » en question n’était autre qu’Elvis Vermeulen, figure emblématique des « jaune et bleu » victime d’une hernie discale qui allait l’éloigner des terrains durant plusieurs mois. « Franchement, je ne savais rien de Clermont et assez peu de choses du Top 14 que nous ne regardions pas en Nouvelle-Zélande. J’ai pris quelques renseignements avec Siti (NDLR : Sitiveni Sivivatu) qui m’avait simplement dit que « Clermont était une petite ville du centre de la France où il faisait très froid en hiver et très chaud en été, mais il m’avait surtout dit que l’équipe jouait un très bon rugby ! » Les clichés absorbés, Fritz alla tout de même sur Youtube constater les dires de Siti à travers quelques « Highlights » impressionnantes du jeu clermontois ainsi que sur la fiche du club où il trouva les noms de Benson Stanley et de nombreux internationaux suffisant pour donner le feu vert à son agent pour creuser la piste. Avant même de connaitre la proposition et les conditions de Vern, Fritz se réjouissait de saisir une opportunité « qui allait complètement changer sa vie ». « J’avais entre 24 et 25 ans lorsque j’ai quitté la Nouvelle-Zélande, c’était déjà un peu trop tard pour exploser. J’avais conscience que quand tu passes les 21-22-23 ans, l’âge où tu peux te diriger vers les franchises de Super Rugby et les All-Blacks, il ne faut pas hésiter à prendre la décision d’évoluer différemment. » Fritz a fait ce choix, pris ses valises et débarqué en Auvergne avec sa petite famille quelques jours plus tard. « Je me souviens être arrivé un mercredi. 3 jours plus tard, j’étais au Michelin pour voir un Clermont / Brive (NDLR remporté 36 à 29) ». Malgré quelques restes de Jet-Lag après avoir traversé le monde, Fritz garde les yeux bien ouverts et profite de ce Derby comme un enfant. « Je n’avais jamais vu une ambiance comme cela dans un stade ! C’était comme une énorme fête populaire. J’ai dit à ma femme « je pense que je suis arrivé dans un sacré club ! »  En Nouvelle-Zélande les gens regardent le rugby mais l’ambiance n’a rien à voir. » Dès sa première rencontre avec la Yellow Army, Fritz était tombé amoureux de cette liesse populaire colorée et festive. 

 

L’aventure avec Clermont n’en finit plus de s’accélérer puisque dès le lendemain du derby, Vern Cotter lui annonce qu’il débute à Castres le samedi suivant. « Je ne savais rien du CO alors j’ai demandé quelques renseignements : Ils sont champions de France et Clermont n’y a plus gagné depuis près de 40 ans ! (NDLR : 37 ans) » Un lancement assez brutal dans le bain « jaune et bleu » pour Fritz qui va faire mieux que s’en sortir pour une première apparition déjà concluante où il reçoit dans l’intimité du vestiaire et après un match nul 22 à 22 à Pierre-Antoine, le titre honorifique de meilleur joueur du match avant d’avaler cul-sec une bouteille de bière en guise d’intronisation auvergnate. « Tout le monde avait l’air content mais moi j’étais plutôt déçu en fait… je voulais gagner ! » Ce n’est pas ce match mais sa place que le néo-zélandais va gagner en quelques semaines sous le maillot de l’ASM aux côtés de Julien Bonnaire, Gerhard Vosloo, Alexandre Lapandry, Damien Chouly ou Julien Bardy. Son contrat est prolongé de 3 saisons, 5 semaines seulement après son arrivée à Clermont. Les Auvergnats savent qu’ils ont décroché la perle rare… la suite leur donnera raison.   

 

« L’ambiance du Michelin je ne l’ai rencontrée nulle part ailleurs ! »  

 

« Je pense que mon arrivée à Clermont m’a fait évoluer en tant que Rugbyman mais aussi tant qu’homme. On ne sait jamais quel aurait été mon avenir si j’étais resté en Nouvelle-Zélande mais ce qui est sûr c’est que l’ASM m’a permis d’atteindre mon meilleur niveau. J’ai croisé le fer face aux meilleurs joueurs du monde, j’ai remporté le Bouclier de Brennus, la Challenge Cup et joué plusieurs finales de la Coupe d’Europe. » En quittant son île natale, Fritz savait qu’il devait écrire un nouveau chapitre de sa vie conscient que le chemin retour ne laisse que peu de chances aux expatriés. Ses plus belles pages ont ainsi pris des teintes « jaune et bleu » et ce compétiteur acharné, qui approche les 33 ans, a prolongé son bail pour en écrire davantage. « Avant de me réengager, j’avais longtemps discuté avec Franck. Il faisait partie de mon projet pour la poursuite de ma carrière à Clermont. Il me connait et je le connais, nous savions quoi attendre l’un de l’autre lors des prochaines saisons. Lorsqu’il m’a appris son départ, j’étais déçu dans un premier temps, même si je comprends et respecte son choix. Il faut parfois de nouveaux cycles et une sorte de régénération… J’étais aussi dans l’inconnu vis-à-vis de mon futur. Est-ce que le nouveau coach voudrait s’appuyer sur un joueur avec mon profil ou voudrait-il un profil totalement différent ? » L’annonce du retour de Jono Gibbes a rassuré le troisième ligne centre clermontois. « Il me connait et sait quoi attendre de moi. C’est une bonne chose pour le club de le voir revenir. Jono est la bonne personne pour nous amener vers nos objectifs. » Après être passé tout près du titre européen en 2015 et 2017, Fritz « veut tout faire pour se donner les moyens d’aller chercher ce trophée avant de finir l’aventure avec Clermont. Pour le club se serait une concrétisation de tout le travail que nous avons fourni tout au long de ces 10 dernières années. »

 

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Arrivé « incognito » et sans réelles certitudes sur son avenir, il y a 8 saisons, Fritz s’est construit au pied du Puy de Dôme bâtissant le joueur respecté qu’il est aujourd’hui et le père de famille comblé qui voit grandir ses enfants dont les deux derniers sont nés en France dans une culture et un environnement qu’il affectionne. « Ils parlent bien mieux que moi, vont à l’école française et ont tous leurs copains en Auvergne. Je pense que si nous avions l’envie de rentrer en Nouvelle-Zélande ce serait plus difficile pour eux de s’adapter même à la langue… On aimerait vraiment qu’ils poursuivent leurs études en France, mais on sait aussi que beaucoup de choses peuvent encore se passer dans les deux années à venir. » Deux saisons (au moins) avant de choisir et d’ouvrir une nouvelle page que Fritz souhaiterait poursuivre en France. « Je ne sais pas encore ce que je ferai mais mon idée serait d’aider de jeunes joueurs à développer leur potentiel à Clermont ou ailleurs. J’aimerais rester en France, pas forcément au plus haut niveau mais je suis certain que je pourrais apporter pas mal de choses aux jeunes joueurs de l’Académie en partageant mon expérience. Je pense que c’est aussi une bonne chose pour le club de garder les anciens joueurs dans l’environnement du club, comme l’a fait Roro. Quand nous le voyons, cela nous procure de l’énergie vis-à-vis de ce qu’il a pu donner pour le club. Si cela ne se fait pas en France, j’espère que j’aurais d’autres opportunités en Nouvelle-Zélande dans le même domaine de compétences. »

En attendant et comme il le fait depuis qu’il a posé le pied sur le sol auvergnat Fritz va mettre « ses compétences au service de l’équipe » dans une fin de saison encore indécise où il faudra probablement aller chercher une victoire supplémentaire pour accéder aux phases finales.