« Vos papiers, s’il vous plait », Imaginez le solide pilier clermontois derrière son uniforme de policier patrouillant dans une ruelle à vous demander de décliner votre identité. Rares sont ceux qui s’extrairaient au contrôle sans craindre les représailles… Et pas besoin d’armes, dont la police fidjienne n’est pas équipée, pour appuyer la demande ; la carrure et les 150 kilos poussés en développé-couché sans qu’une goutte de sueur perle où qu’un cri ne sorte du coffre suffisent. Cette scène improbable a pourtant déjà eu lieu à 17 000 kilomètres de Clermont, sur l’archipel des Fidji, où le pilier clermontois exerçait la profession de policier avant de devenir joueur de Rugby. Portrait…

 

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Oubliez les scènes hollywoodiennes de fusillades et d’explosions ou encore les reportages d’immersion au sein des brigades d’Elite du GIGN, la police fidjienne n’a pas grand-chose à voir avec cela tant l’île semble épargnée d’une délinquance vive ou de réseaux criminels organisés. Pourtant, ils sont plusieurs milliers à exercer la profession de policier principalement pour des missions de surveillance et de dissuasion. Peni, et ses prédispositions naturelles « dissuasives », faisait partie de ceux-là à la brigade de Nadroga enrôlé dans la « Fiji Police Force ». La vocation s’arrête là comme nous l’explique le pilier clermontois un grand sourire aux lèvres. « En fait, je suis surtout devenu policier grâce au Rugby. Dans mon village, le club de la police est le meilleur de la Région et l’un des meilleurs au Fiji alors quand tu deviens rugbyman… tu deviens aussi policier ». Beaucoup de joueurs fidjiens ont connu le même parcours et comme lui disputé le « Sukuna Bowl », le plus prestigieux tournoi de Rugby de l’île où les meilleures équipes de la Police et de l’Armée s’affrontent (que Peni a remporté). C’est le cas d’Apisai Naqalevu à Clermont et de nombreux autres joueurs du championnat français dont beaucoup ont patrouillé dans les rues fidjiennes avant de fouler les pelouses du Top 14. Comme le Rugby joue son rôle social au Fidji permettant de canaliser et distraire la jeunesse de l’île, la Police ajoute certaines vertus comme nous l’explique Peni qui garde un bon souvenir de son passage au commissariat de Nadorga. « La Police apporte forcement une certaine discipline. Le fait d’avoir un travail t’oblige aussi à certaines routines et contraintes qui te font grandir dans la vie de tous les jours. Pour les joueurs fidjiens, la Police est également un moyen de reconversion. Après la carrière de rugbyman, certains ont la possibilité de revenir travailler à la police fidjienne. » 

 

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Dans une île où la criminalité se limite à quelques vols et agressions de fin de soirée (principalement dans les zones touristiques) les missions ne relèvent pas des commandos d’autant que les « cas graves » sont gérés par l’armée (seule entité à être équipée de pistolets, fusils et autres armes d’assaut) les Policiers eux se contentent d’une matraque. « C’est suffisant pour ce que nous faisions » sourit Peni. « Le matin, nous patrouillons à pied dans la ville, pour contrôler que tout se passe bien. Quelques rondes autour des lieux les plus fréquentés et nous étions susceptibles d’être appelés pour les « urgences ». Nous pouvions aussi intervenir sur quelques ventes pour contrôler que tout se passe bien ». Des missions de surveillance pouvant aller jusqu’à la dissuasion mais guère plus comme le confirme le pilier clermontois lorsqu’on lui demande de nous raconter « ses enquêtes ». « Ah non, mais nous ne faisions jamais d’enquête en tout cas pas nous. Au Fidji, c’est plutôt tranquille ! » Plus Gendarme à St Tropez que Colombo notre Peni qui pourtant en grattant un peu finit par nous trouver quelques missions plus exposées. « Il y avait bien certains soirs où nous étions obligés d’aller intervenir sur des personnes saoules qu’il fallait faire partir pour éviter les nuisances. Il n’y a pas d’armes au Fidji dans la population mais il peut y a avoir des machettes… » La prudence était tout de même de mise.

De cette expérience professionnelle que le pilier clermontois n’exclue pas de retrouver une fois sa carrière de joueur passée et son retour dans l’archipel acté, il garde surtout les notions de « devoir » et de « discipline ». Deux valeurs qu’il s’attache à respecter chaque semaine lorsqu’il enfile le maillot de l’ASM Clermont Auvergne sur ses larges épaules avec la volonté de « toujours donner le meilleur pour son club ». 

 

Assurément plus « Gendarme » que « Voleur », Peni défend l’idée d’être un joueur plus « discipliné » que « tricheur » même s’il reconnait « quelques fois » tomber dans la filouterie lorsqu’il est question de mêlées… « C’est seulement depuis que je suis en France » rigole-t-il « ça permet parfois de récupérer de bonnes pénalités ».  On lui pardonne et le croit sans mal (d’autant qu’il n’est pas question de risquer de le froisser en le contredisant !), les mêlées ont droit à leurs mystères que seuls les piliers connaissent. Dans le jeu courant, à qui il donne toute sa dimension, Peni fait partie des joueurs les plus disciplinés du championnat (français comme européen) en maîtrisant l’art de flirter avec la ligne rouge sans jamais la dépasser. « Tout le monde essaye d’être à la limite pour ralentir quelques ballons dans les rucks, mais globalement j’essaye de rester le plus discipliné possible car je n’aime pas avoir de carton jaune ou rouge et mettre mon équipe en difficulté » Aucun ne vient entacher les 19 feuilles de match du fidjien depuis son arrivée en Auvergne avant la réception du Stade Toulousain qu’il attend avec impatience. « C’est motivant de recevoir une équipe comme celle de Toulouse et de batailler avec les meilleurs. Notre conquête comme notre défense seront probablement les clés de la rencontre », conclut Peni. 

Menotter l’attaque des « rouge et noir » et faire régner la loi au Michelin, deux missions au programme de l’ancien membre de la « Fiji Police Force » ce dimanche.