Réduire quelqu’un à sa nationalité ne fait pas partie de la philosophie de vie de l’ailier clermontois qui s’est nourri, telle une éponge, de chacune de ses expériences pour construire l’homme qu’il est aujourd’hui. Ce serait aussi compliqué pour celui qui possède 3 passeports pour autant de nationalités (Samoane, Néo-Zélandaise et Australienne) avant d’agrandir sa famille en épousant une anglaise qui a donné la vie à leur fille sur le sol français… Bref, un formidable mélange cosmopolite pour ce citoyen du monde qui a fait de sa faculté d’adaptation une force aussi bien dans la vie que sur un terrain de Rugby. 

 

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Le tiroir administratif de la famille Betham ressemble au siège de l’ONU puisque le joueur clermontois dispose de 3 passeports auxquels s’ajoutent ceux de sa femme anglaise et de sa fille née en France. Des papiers qui retracent l’histoire cosmopolite de ce joueur qui n’a jamais hésité à sortir de sa zone de confort pour vivre de nouvelles expériences. « Je suis né en Nouvelle-Zélande (Wellington) après que mes parents aient quitté l’archipel des Samoan pour un meilleur avenir professionnel. Beaucoup de familles iliennes rejoignent ainsi la grande île afin gagner leur vie tout en envoyant de l’argent au Samoa pour permettre à ceux qui sont restés d’avoir un meilleur quotidien. J’ai ensuite ajouté à ses deux nationalités celle de l’Australie où j’ai passé la plupart de ma carrière de joueur en portant le maillot de la sélection nationale (2 sélections avec les Wallabies en 2014 et 2015 après avoir fait partie des sélections U19 et U21) ». En 2015, après une soixantaine de matches dans le Super Rugby (avec les Brumbies, les Rebels puis les Waratahs) Peter tente l’aventure en Europe où il intègre la prestigieuse équipe des Tigers de Leicester. Une nouvelle culture et un nouveau passeport dans la famille qu’il agrandit en rencontrant sa femme dans le Nord de l’Angleterre. « Je suis citoyen du monde. Ma passion : collectionner le plus de passeports possibles » se marre le polyvalent arrière clermontois « C’est pratique, quand tu regardes les matches des Blacks, c’est pas mal de revendiquer la nationalité néo-zélandaise ! » Plus sérieusement, Peter est attaché à chacune des facettes de sa citoyenneté « Je revendique les trois car il important de savoir d’où je viens, quel est mon héritage et ce que m’ont apporté mes expériences. »  

 

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De ce mélange cosmopolite, Peter a développé une ouverture d’esprit qui n’a fait que s’amplifier au fil de ses expériences successives. Une anecdote résume assez bien celle-ci. « Lors des fêtes de Noël, nous avons convié ma famille à nous rejoindre en Europe. Ils étaient habitués au traditionnel barbecue sur la plage où nous faisions griller les saucisses et où nous trempions les frites dans la sauce et là ils ont débarqué en Angleterre en plein hiver pour manger la dinde autour d’une table au coin d’un feu de cheminée avec des choses bien organisées et planifiées... C’était assez radical pour eux comme cela a pu l’être pour moi. De chaque expérience, nous devons apprendre et j’ai la chance de vivre des tas de choses qui m’offrent de nouvelles visions. Nos deux familles apprennent beaucoup l’une de l’autre et cela compose quelque chose d’assez unique et enrichissant. » Même s’il n’est pas vraiment bilingue en samoan, la langue de ces ancêtres, il reconnait la comprendre et l’utiliser parfois avec ses parents. « Cela fait partie de ce que je suis et il est important de continuer de transmettre cet héritage. J’aurais du mal à l’enseigner à ma fille (encore toute jeune) mais il est important qu’elle garde des connexions avec les Samoans. » « Les différences de cultures ou de façons de penser et la faculté de les compiler permet de comprendre mieux les choses et les gens. Cela vaut pour la vie en générale mais aussi le rugby, la famille. Aucune chose n’est arrêtée tout finit par évoluer et la perception peut changer. Les interactions qui peuvent exister entre les différentes personnes apprennent également beaucoup sur soi. » L’arrière clermontois a ainsi façonnée cette ouverture d’esprit au cours d’une vie où il a souvent été « un étranger dans un pays d’adoption » (une famille samoane en Nouvelle-Zélande, un néo-zélandais en Australie ou un Australien en Europe) … Dans un monde où le clivage, l’isolement et parfois même l’aversion pour « l’autre » est une réalité, il s’est toujours adapté sans subir. « C’est toujours un challenge d’être un étranger quelque part. Il faut parvenir à trouver le bon équilibre entre ta culture et la façon de vivre de ton nouvel environnement. Cela dépend bien évidemment aussi de la manière dont tu es accueilli. Je n’ai jamais vraiment subi les choses ou ressenti de réelles difficultés car ma volonté a toujours été de m’adapter et de m’enrichir de la diversité des cultures, des territoires et des gens. Si tu n’es pas capable de le faire, alors tout devient plus difficile et l’environnement social et la vie en dehors du club peut devenir problématique. » L’ouverture d’esprit dont parle Peter est ainsi un formidable vecteur d’intégration d’un côté comme de l’autre de la nationalité, elle s’est considérablement renforcée à travers les expériences qu’il a pu vivre dans le Rugby. « Quand j’étais jeune, comme tous j’étais focalisé sur moi-même ou ce que j’avais en face, je ne faisais pas attention à ce qu’il pouvait y avoir à côté ou derrière moi. C’est ce que font tous les jeunes joueurs, la pensée est forcément plus étroite, plus égocentrée. Les échecs, les blessures, les victoires et les réussites agrandissent la vision et ton périmètre. Tout ce que tu vis affecte ta pensée. Ma vie familiale compte désormais bien plus qu’au début de ma carrière. Quand mon rugby est bon, c’est aussi que ma famille va bien que mon environnement est stable… J’ai probablement moins de pression aujourd’hui car mon équilibre s’est enrichi et est devenu plus stable ».  Même si « cela fait un peu cliché » comme il le reconnait avec le sourire, Peter ne changerait « rien » à ce qu’il a pu vivre. « Chaque chose arrive pour une raison, les bons comme les mauvais moments. Ils ont permis de construire l’homme que je suis aujourd’hui, et j’espère que, sur et en dehors du terrain, cela a fait une bonne personne » lance-t-il avant d’aussitôt et en toute humilité rajouter « qu’il n’est pas le mieux placé pour juger » … On confirme donc pour lui ! 

En fin de contrat avec Clermont à la fin de saison et alors qu’on lui prête déjà des contacts avancés avec d’autres clubs dans l’Hexagone, Peter confirme qu’il « aimerait bien continuer de jouer en France pour quelques temps encore » mais aussi que le moment est venu (à 32 ans) de commencer à penser à l’après-rugby. « Je sais qu’après le prochain contrat, il me faudra revenir à la « vie normale ». Pour celui qui a toujours su s’adapter, pas question de subir la « petite mort » parfois promise au sportif de haut-niveau au moment de mettre un terme à leur carrière, son esprit fourmille déjà d’idées aussi originales et spontanées que peut l’être le joueur. « J’ai le projet de devenir charpentier ! J’adore travailler le bois et j’ai déjà pris des contacts pour en faire mon métier dans l’avenir. » Où lancera-t-il son business ? Australie, France, Nouvelle-Zélande, Samoa ?… C’est finalement la plus grande inconnue pour ce « citoyen du monde » qui a prouvé qu’il savait s’adapter à toute situation. « J’ai consacré de nombreuses années de ma vie au Rugby et je sais que dans celle d’après, il faudra considérer la famille en premier. Ma femme est anglaise et aimerait bien retourner en Angleterre alors, qui sait, peut-être que c’est là-bas que je commencerais dans quelques mois ou quelques années mon nouveau métier de charpentier… » Faire des concessions et aussi une manière de s’adapter.