C’est au pied du Mont Fuji, où séjourne le XV de France depuis son arrivée au Japon dans un hôtel en périphérie de la ville et bordé pas un parc d’attractions que Julien Bonnaire nous a reçus. Désormais entraîneur de la touche du XV de France, il revient sur ses 18 mois dans le staff, ses évolutions mais aussi, l’ambition de ce groupe France à quatre jours d’affronter l’Argentine dans un match déjà capital. Interview…

 

Julien, tu as disputé deux Coupes du Monde, tu en prépares une troisième cette fois-ci de l’autre côté de la barrière. Qu’est-ce que cela change ?
Beaucoup de choses, déjà tu n’as pas de grosse préparation physique à faire (rires). Tu regardes ça d’un œil extérieur, mais rien n’a changé les joueurs doivent toujours passer par des moments difficiles, de grosses de charges de travail. 

 

La pression est probablement différente ?
Oui, tu ne ressens pas la pression de la même manière. Mais ce qui est le plus difficile à gérer ; c’est l’impuissance que nous pouvons avoir vis-à-vis à de ce que nous observons du bord ou du haut de la tribune. La vision est différente et tu aimerais pouvoir changer plus vite les choses comme cela était le cas quand j’étais sur le terrain. Cela apporte de l’inertie même si avec les talkiewalkies et à travers les kinés ou personnes près du banc, nous essayons d’aller le plus vite possible quand il s’agit de corriger le tir. La plus grande pression elle est en amont pour le staff qui doit avoir tout réglé, tout anticipé, quand le match est lancé, cela appartient aux joueurs. 

 

Ça fait maintenant 2 ans que tu as arrêté ta carrière, un an et demi que tu as débuté cette aventure avec le XV de France. Comment t’es-tu vu évoluer lors de ces 18 derniers mois ?

Je ne cache pas que cela a été compliqué au départ parce que ce n’est pas vraiment ce que j’avais envisagé et je me suis retrouvé propulsé là-dedans très rapidement. Je n’avais pas d’expérience. Entre avoir été sauteur et se retrouver à animer des séances entières en devant faire passer des messages, cela n’a pas été si simple. Au fil des mois, j’ai pris de plus en plus d’assurance et je trouve, aujourd’hui, bien mieux ma place qu’à mes débuts. 

 

Tu ne partais pas de rien, tu étais le capitaine de touche de Clermont, Vern t’impliquait énormément dans ce domaine…
Oui, j’étais impliqué, mais je n’étais pas là pour animer la séance ou faire un système d’annonces. C’est ce que j’ai dû, un peu, faire et apprendre sur le tas, avant le premier Tournoi que nous avons fait. Nous étions dans l’urgence. Là, lors de cette période de préparation de la Coupe du Monde, c’est différent, nous avons les joueurs sur une longue plage de travail, ils ne sont pas fatigués, ils ne viennent et repartent pas pour aller jouer en club, nous pouvons travailler plus sereinement et je l’espère plus efficacement.

 

Tu as été coéquipier de certains joueurs que tu dois aujourd’hui coacher. Est-ce difficile à gérer ?
Franchement non, je fais abstraction de cela en essayant d’être le plus juste possible dans mon discours. Je ne me gêne pas pour dire les choses négatives ou positives aux joueurs sans me poser la question de savoir si j’ai joué avec ou contre. Plus tu es droit dans ton discours, plus il y a de respect. C’est ma façon de faire. 

 

De ton passage à l’ASM, as-tu gardé des méthodes ou des techniques spécifiques sur la touche ?

De mon vécu en général, bien sûr. Je suis bien placé pour savoir que le rôle du capitaine de touche par exemple n’est pas facile car il doit également remplir beaucoup d’autres tâches sur le terrain qui peuvent le mettre dans le rouge et lui faire perdre un peu de lucidité. Mon rôle, c’est que tous les autres puissent l’aider, de mettre tout l’alignement en confiance et aussi d’apporter un maximum de clarification dans ce que chacun doit faire sur le terrain, que tous adhèrent à un système et des choix que nous avons décidé ensemble en début de semaine. J’essaye d’apporter un maximum de précision dans un domaine où la moindre erreur te fait perdre une munition. 

 

bonnaire-2.jpg
 

Tu vas retrouver Mario avec l’Argentine, Joe Schmidt avec l’Irlande, cela fait quelque chose de vous retrouver tous là dans des sélections différentes au moment de débuter cette compétition ?
Ça fait toujours un peu bizarre, je les ai déjà croisés Joe lors du Tournoi et Mario lors de la tournée. Nous sommes adversaires le temps du match, pour l’instant, il n’y a pas d’échanges mais bien sûr que nous serons contents de se revoir après. 

 

L’arrivée, ici à Fujioshida a-t-elle vraiment fait basculer les Bleus dans cette Coupe du Monde ?
Oui, nous avons eu la photo officielle, la remise de capes, cela a vraiment fait basculer les joueurs dans cette coppétition. C’est une bonne chose car le match va arriver très vite. Nous ne devons pas nous mettre plus de pression, nous sommes loin d’être favoris, c’est probablement une bonne chose pour cette équipe qui va devoir jouer le jeu que nous mettons en place depuis quelques mois. Nous sommes capables de faire de bonnes choses, nous en sommes convaincus, il faut maintenant être plus constant. Nous avons un premier rendez-vous très important face aux Argentins. Il faut que cette équipe de France joue à son niveau, sans qu’elle puisse avoir le moindre regret. 

 

« Il faut gagner pour retrouver la confiance qui fait tant défaut à cette équipe de France depuis tant d’année ».

 

Finalement n’est-ce pas un avantage d’avoir une poule si compliquée. Cela vous oblige à être concentrés et déterminés dès ce premier match et lors des trois suivants…
Je ne sais pas. C’est vrai qu’en 2011, il nous a fallu perdre contre les Tonga pour rentrer vraiment dans la compétition. En 2007, nous perdons également notre premier match, avant de nous qualifier mais là nous savons que notre marge de manœuvre sera bien plus fine. A nous de démarrer de la meilleure des façons. Ce n’est pas forcement l’Argentine, une autre équipe serait la même chose, nous avons besoin de valider ce que nous faisons depuis un petit moment et il n’y a pas 50 solutions pour cela : il faut gagner pour retrouver la confiance qui fait tant défaut à cette équipe de France depuis tant d’année. L’entraînement, c’est bien, mais la vérité et la confiance ne peuvent venir que du terrain. 

 

Pour terminer que découvrez vous du Japon, depuis votre arrivée, ici à Fujioshida ?
Une culture complètement différente de la nôtre. Notre avons visité une école. J’ai été très impressionné par la rigueur qui se dégage, le respect des horaires, la gentillesse et la politesse de tout le monde. Ce sont de belles valeurs, cela peut malheureusement contraster avec chez nous où il y a de moins en moins de personnes qui disent « bonjour » ou te remercient. C’est une belle découverte et un bel enrichissement personnel dans un pays magnifique avec beaucoup de croyances et de modes de vie très différents de ce que nous pouvons connaitre. 

 

 

B-RWC-728X90-v2.png