A 31 ans, Adel Fellah, le nouvel entraîneur des avants des Espoirs, possède déjà une solide expérience du management et du fonctionnement du haut niveau chez les jeunes. Issu de l’Union Sportive Tyrosse où il a fait ses armes avant de passer de l’autre côté de la barrière, il prend progressivement ses fonctions dans un environnement qu’il apprend à maîtriser. A quelques jours d’un match important à Aurillac, il nous consacre un peu de son temps, et détaille avec nous, son arrivée, le début de championnat de son équipe, ou encore ses objectifs cette saison… Entretien

Adel qu’est ce qui t’a amené prendre si jeune des fonctions d’entraineur ?
Je suis un enfant de l’école de rugby de Tyrosse. J’ai évolué dans toutes les catégories de jeunes jusqu’à l’équipe première au poste de talonneur, puis j’ai rejoint le Biarritz Olympique où j’ai passé une saison exceptionnelle en Espoirs. Je faisais partie de la génération Lakafia, Molcard, Guyot qui avait décroché le titre de champion de France. Après cette expérience dans le Rugby pro, j’ai poursuivi ma carrière en Fédérale 1 dans le club de Pays Médoc, où j’ai beaucoup joué et où j’ai vraiment pu m’exprimer. Après une saison, je dois mettre un terme à ma carrière en raison d’une grave blessure aux cervicales. Tyrosse me propose alors de revenir au club pour coordonner le centre de Formation. J’avais déjà mis le pied dans l’entrainement avec les jeunes de Pays Médoc et j’ai ainsi accepté de prendre en charge l’équipe Crabos de US Tyrosse. J’ai passé 6 ans au club, jusqu’à intervenir avec l’équipe Une, tout en étant responsable du centre de formation et des Espoirs. J’ai ainsi pu mettre en place un certain fonctionnement et structurer la formation qui est toujours en place et désormais dirigée par François Gelez après mon départ. J’ai eu la chance de toucher un peu à tout dans ce club de Tyrosse, de l’administratif au sportif, et j’en retire beaucoup de reconnaissance et d’expérience.

Pourquoi avoir choisi de quitter Tyrosse pour accepter ce poste d’entraineur des Espoirs à Clermont ?
L’an dernier, je me suis engagé sur le DES (Diplôme d’Etat Supérieur) pour continuer mon perfectionnement. Je savais que l’évolution de ma carrière passerait par un départ de Tyrosse, à un moment ou à un autre, car mon ambition était d’intégrer une structure de haut niveau chez les jeunes. J’ai appris le départ de Sam (Cherouk). C’était une très belle opportunité pour donner un nouveau tournant à ma carrière. J’aurais pu rester dans les Landes où le projet est également très intéressant, mais j’avais envie de me mettre en danger. Clermont est une référence dans le rugby français et je savais que la barre serait haute et que cela représenterait un super Challenge pour le jeune entraîneur que je suis.

Tu arrives dans un club où les Espoirs sont Champions de France où il y a beaucoup d’attentes dans cette catégorie d’âge au niveau des résultats mais plus encore sur la finalisation de cette formation vers le plus haut niveau, comment se sont passés les premiers mois ?
J’ai la chance d’être entouré par des gens pour qui le club et la structure n’ont pas de secret : Bertrand (Rioux), Xavier (Sadourny), Philippe (Gauran) ou Romuald (le préparateur physique des Espoirs). Cela permet de définir un cadre solide dans lequel je peux évoluer. Bien sûr que la pression existe mais plus que celle du résultat, elle est sur le contenu de la formation car on rappelle toujours ici qu’il vaut mieux former des bons joueurs que de rechercher les titres. Si les titres arrivent, tant mieux, mais c’est que nous aurons formé de bons joueurs avec du contenu dans les entrainements, de l’exigence et une bonne préparation à ce qui les attendra plus tard s’ils franchissent la dernière marche. En Espoirs, l’objectif n’est pas de gagner à tout prix. Notre politique sera toujours de protéger certains joueurs dans l’optique de l’équipe première plutôt que de les utiliser pour remporter un match. Grâce à cela, nous permettons à de jeunes joueurs de s’exprimer au plus haut niveau et de progresser.

C’est une manière de fonctionner radicalement différente de celle que tu pouvais connaître à Tyrosse, j’imagine…
Oui, c’est différent. A Tyrosse, le club évolue en Fédérale 1, tous les joueurs sont pluriactifs et nous n’avions pas la possibilité d’aller recruter des joueurs de haut niveau. Le club était dans l’obligation de se tourner vers sa propre formation et là aussi les meilleurs jeunes joueurs étaient directement intégrés dans les plans de l’équipe première. La philosophie était différente mais la finalité était la même. Nous étions en revanche confrontés à un autre problème puisque nos meilleurs jeunes joueurs étaient rapidement recrutés par d’autres équipes plus ambitieuses et nous perdions ainsi nos meilleurs joueurs très tôt. Sans nos leaders, il fallait trouver des astuces pour faire progresser les autres joueurs. L’idée reste la même, plus tôt les gros potentiels sont confrontés au meilleur niveau, plus ils peuvent progresser. Ainsi à Clermont, 6 jeunes Crabos (moins de 18 ans) s’entrainent toute la semaine avec les Espoirs. Nous essayons de gagner du temps en les confrontant au niveau, à l’intensité, et à l’exigence du palier supérieur. La difficulté est ensuite de reconnecter les joueurs à leur niveau de compétition sans que cela génère de la frustration ou un manque de motivation. Il faut éviter que les garçons se sentent ni dans une équipe ni dans une autre, et aussi gérer les attentes supérieures qui peuvent être espérées lorsqu’un joueur qui a passé plusieurs semaines avec les Pros redescend jouer à son niveau. Il peut, aussi, y avoir une baisse de motivation au moment où les joueurs reviennent. Tout cela entre dans le management et c’est vraiment ce qu’il y a de plus intéressant dans notre métier, où mettre les bons curseurs pour trouver un équilibre qui permet au joueur d’exprimer son meilleur potentiel. Parfois, il faut passer par des messages durs, qu’il faut parvenir à faire entendre…la construction des joueurs de haut niveau passe par là…

Revenons au championnat Espoirs, comment juges-tu le début de cette saison après 6 journées ?
Nous avons réalisé un début très intéressant avec une victoire à Biarritz où nous avons montré beaucoup de caractère. Nous avons ensuite aligné 2 succès supplémentaires mais, depuis, il y a certaines choses récurrentes qui viennent contrarier notre jeu. Nous sommes sur une mauvaise série de 3 défaites dont la dernière en date à domicile face à Lyon. Nous manquons de cohérence stratégique, nous ne sommes pas assez tueurs dans les zones de marque. Je pense que nous sommes dominateurs dans la plupart des phases de jeu, nous tenons le ballon, mais nous ne marquons pas assez ! Lors des dernières rencontres, nous avons été capables de prendre l’avantage au tableau d’affichage, mais nous n’arrivons pas à plier le match et nous manquons d’assurance dans les fins de rencontre. Nous retravaillons avec les leaders et nous avons changé notre façon d’organiser nos entraînements pour trouver rapidement des solutions. Nous avons, cette semaine, accentué notre travail sur le détail et la précision au niveau individuel et espérons des résultats rapides. Nous manquons de réalisme, tout le monde est frustré de nos derniers résultats. Nous sommes dans le dur comptablement, et désormais face à nos responsabilités. Nous devons nous ressaisir, vite !

Quel est le potentiel de cette équipe ?
Il est énorme, en terme de vitesse, de technique, nous avons également quelques « X Factor » dans le groupe mais ce qui nous manque actuellement c’est une certaine connexion, un état d’esprit qui fera que les gars ne se posent plus de questions et soient sûrs de leur force et de leur potentiel. Tout cela est en train de se construire car le groupe a beaucoup changé, je suis aussi arrivé, il faut probablement un peu de temps…

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Ce que tu décris, n’est-ce pas simplement « le collectif » qui doit se reconstruire après le titre et avec de nouveaux jeunes joueurs qui constituent aujourd’hui le groupe Espoirs ?
Oui, c’est exactement cela ! Il y a certains joueurs qui ont connu le titre de la saison dernière, sur lesquels nous devons nous appuyer mais il y a aussi beaucoup de nouveaux joueurs qui doivent prendre leur place et s’affirmer. Tout cela doit former un nouvel amalgame et dégager une nouvelle force qui définira ce groupe. Avec un peu de temps et le potentiel que possède cette formation, je ne me fais pas de souci.

Quels sont tes objectifs personnels ?
A court terme, terminer mon acclimatation à ce nouvel environnement. Arriver à maîtriser tous les outils qui sont proposés en faisant plus de tri, en devenant plus efficient. Organiser le temps et les entraînements en étant encore plus dans l’interaction avec tout le staff. Mon objectif est d’être à la hauteur des attentes des joueurs pour qu’ils puissent progresser sur les points qui sont susceptibles de les amener vers le haut niveau où certains évolueront. Mon but est que le système que nous mettons en place permette aux joueurs de s’exprimer au plus fort de leur potentiel. J’ai la chance de pouvoir aller régulièrement voir l’entrainement des Pros (j’y vais en général une fois par semaine), j’échange avec Bernard, Didier et j’espère, à l’avenir, renforcer encore ces échanges pour amener plus de détails encore aux joueurs. C’est toujours très positif de pouvoir s’inspirer des meilleurs et d’extrapoler cela au niveau des Espoirs. C’est ce que j’essaye de faire.

Pour finir quel regard portes-tu sur Giorgi ou Sipili lorsqu’ils évoluent avec les Pros ?
Un regard très attentif bien sûr mais je ne les connais pas depuis suffisamment longtemps pour m’attribuer leur niveau. Ce n’est pas moi qui les ai amenés à ce niveau-là, il faut rendre hommage à Sam et tous les entraineurs qui les ont façonnés jusqu’à présent. Aujourd’hui, je les regarde avec attention car ils sont dans le périmètre des Espoirs et j’ai envie d’être à la hauteur pour eux, pour leur permettre d’élever encore un peu leur niveau d’exigence. Ce sont des joueurs très respectueux, vraiment tournés vers le travail et déjà dans la transmission avec les plus jeunes. Ils ont tout pour percer et même si je reste très mesuré par rapport à ce que j’ai pu leur apporter jusqu’à présent, ils donnent envie à tous de les aider à franchir la dernière marche. Pour l’entraineur des Espoirs que je suis, la plus grande des fiertés est de voir des joueurs qui évoluent avec nous monter vers le groupe professionnel et s’épanouir. On en peut que souhaiter en voir de nombreux les imiter dans les mois et années à venir.

Crédit Photo : Renaud Baldassin