En septembre dernier, Thomas Lièvremont (44 ans, international tricolore aux 37 sélections et triple champion de France) entraineur de Dax puis Bayonne avant de s’occuper des moins de 20 ans tricolores a accepté de prendre en mains la sélection roumaine. Avant le déplacement de Timisoara au Michelin, pour le compte de la deuxième journée de Challenge Cup, il nous parle du rugby au pays de Carpates qu’il commence à connaitre et des adversaires qu’auront les Auvergnats face à eux, samedi à 16 heures… Entretien.

Thomas, tu as accepté le poste de sélectionneur de la Roumaine en septembre dernier, comment s’est présentée cette opportunité ?
La sélection roumaine cherchait un consultant autour de la conquête au mois de mars dernier. J’étais disponible et intéressé par cette aventure. Je suis parti une semaine là-bas et tout s’est vraiment très passé. Quelques semaines plus tard, le sélectionneur me proposait de revenir pour préparer le match face à la Géorgie. Je suis resté en contact avec les dirigeants et après les évènements qui ont conduit à la disqualification de la sélection pour la Coupe du Monde 2019 (NDLR : la Roumaine a perdu 40 points au classement pour avoir utilisé à 8 reprises un joueur non éligible en sélection nationale), la Roumanie cherchait un sélectionneur. J’ai répondu à l’appel à candidature et mon projet a été choisi.

Où en est actuellement le Rugby roumain ?
Le Championnat de Roumanie professionnel est composé de 8 clubs. Les rencontres se déroulent du mois d’aout au mois de juin avec une longue coupure au moment de l’hiver où il est vraiment difficile de pratiquer notre sport. Le Rugby a toujours fait partie de l’histoire de ce pays mais, actuellement, il connait quelques problèmes au niveau de la formation et les joueurs commencent à se raréfier. Cela fera partie de ma double casquette au sein de la Fédération en allant développer de nouvelles choses dans ce domaine pour faire grossir le vivier dans lequel la sélection pourra puiser dans les années à venir. Aujourd’hui, beaucoup de joueurs étrangers viennent renforcer le championnat national et les joueurs de très haut niveau sont assez peu nombreux.

Que connais-tu de cette équipe de Timisoara qui affrontera Clermont samedi ?
Je l’ai vu jouer la saison dernière, mais j’étais plus dans de l’évaluation individuelle que dans de l’analyse des structures ou de l’organisation collectives. Elle possède quelques bons joueurs de rugby et fait partie des meilleures équipes du pays. C’est bien sûr très difficile de la comparer à une équipe comme Clermont qui pratique un rugby beaucoup plus intense et rapide, probablement un des rugbys les plus complets et les plus performants d’Europe. Le Championnat de Roumanie ne prépare pas les équipes à un tel niveau de jeu. Le championnat national est principalement axé sur la densité physique, le combat et l’agressivité. Même si Timisoara a un projet de jeu plus général que cela et souhaite mettre du volume, ils ne peuvent pas rivaliser au niveau de la précision, de la vitesse ou de l’efficacité avec une équipe comme l’ASM. Le niveau du rugby roumain se situe aujourd’hui entre de la Fédérale 1 ambitieuse et de la Pro D2 de milieu de tableau.

Le niveau du rugby roumain se situe aujourd’hui entre de la Fédérale 1 ambitieuse et de la Pro D2 de milieu de tableau

Au-delà de l’enjeu sportif, que représente la participation d’un club roumain (seulement le deuxième de la compétition) en Challenge Cup ?
Sincèrement, je ne pense pas que les joueurs de Timisoara mesurent ce à quoi ils seront opposés samedi prochain. C’est un autre monde, une concurrence qu’ils n’ont jamais connue. Bien sûr que ce sera très profitable pour eux et que c’est une belle opportunité pour montrer leur valeur mais ce sera très difficile sur la durée. Comme je le disais plus tôt c’est exactement leur genre d’oppositions dont le rugby roumain a besoin pour grandir. Ils vont avoir l’occasion de toucher du bout des doigts le plus haut niveau, de voyager ensemble et de faire voir comment ils peuvent rivaliser. Plus le rugby roumain sera confronté au haut niveau plus vite il progressera.

A quel match doit-on s’attendre samedi sur la pelouse du Michelin ? On imagine la motivation de cette équipe à jouer un match comme-celui-là…
Les joueurs Roumains ne trichent pas et, avec leurs moyens, leur implication sera maximum. Ils vont mettre beaucoup d’engagement, de combat : ils savent faire. Ils ne pourront pas rivaliser sur l’organisation ou l’intensité mais ils vont faire tout ce qu’ils peuvent pour retarder l’échéance au maximum. On sait comment va finir ce match, mais la question sera de savoir combien de temps ils peuvent s’accrocher. Plus longtemps ils y parviendront, plus le match aura d’intérêt pour tout le monde.

Pour finir, ton contrat de 2 ans débutera par un match (le 10 novembre prochain) face au Portugal avec en ligne de mire la Coupe du monde 2023 en France, quels sont tes objectifs ?
Mon projet vise effectivement la Coupe de Monde 2023 en France. Le Rugby Roumain est actuellement à la croisée des chemins et devra faire face à une passation de pouvoir entre une grande génération de joueurs incarnée par des garçons comme Ursache (32 ans Oyonnax), Fercu (32 ans Saracens) ou Vlaicu (32 ans, Calvisano) et une génération montante qu’il va falloir accompagner vers le haut niveau pour les préparer au tournoi qualificatif de la prochaine Coupe du Monde. Aujourd’hui, 20-25 joueurs en Roumanie peuvent prétendre au haut niveau, il faut développer la formation pour se donner plus d’opportunités mais aussi faire jouer une équipe pour rester dans le deuxième niveau européen. Mon ambition sera de mettre les meilleurs jeunes dans de bonnes conditions pour qu’ils soient performants au moment de disputer ce tournoi qualificatif en leur donnant du temps de jeu. D’ici là, il faudra construire un groupe équilibré et capable de tenir nos objectifs qui seront donc à court et moyen terme. C’est une belle expérience à vivre.